DRAGON
Mot qui appartient a la langue grecque (dérivé de drakôn, terme venant lui-même du verbe derkomai, « regarder », « fixer du regard ») et qui désigne les serpents géants ou aquatiques. Mais son ampleur sémantique est bien plus large : Cerbère, le gardien des Enfers, n'est-il pas appelé dragon ? Ce terme relève donc aussi du vocabulaire mythique. Les traducteurs de la version des Septante ont rendu par drakôn aussi bien l'hébreu tannin (« serpent ») que Liwyatan (« Léviathan »).
Le dragon est un animal fabuleux dont le rôle est capital dans la mythologie et le folklore de bien des peuples. Sa forme, empruntée le plus souvent à la famille des serpents géants, des lézards volants ou des crocodiles, varie selon les lieux et les époques. Ses appellations sont également diverses. L'un des lieux majeurs des origines du dragon mythique est le récit babylonien (Enuma Elish) du combat entre le Créateur et le grand monstre marin. La tradition hébraïque en a repris et modifié les données : elles sont repérables çà et là dans toute la Bible, et même en dehors. Le monstre est décrit soit comme le dragon (Job, vii, 12 ; Psaume LXXIV, 13 ; Isaïe, li, 9 ; Ézéchiel, xxix, 3 ; xxxii, 2), soit comme Léviathan, Rahab ou le Serpent. Dans les traditions babyloniennes et hébraïques, il symbolise la profondeur hostile du chaos ou l'océan cosmique primordial (Tiamat, en Babylonie ; Tehom, dans la Bible).
Le dragon est représenté, depuis le Psaume LXXIV, 13, jusqu'à l'Apocalypse, xii, 3, comme un monstre à plusieurs têtes (souvent sept), figuration qui s'inspire de l'iconographie mésopotamienne antique. S'il symbolise l'hostilité du cosmos au Créateur et aussi, dans la Bible, l'Égypte comme ennemie d'Israël et vaincue par Yahvé, il représente volontiers des personnages historiques dont il constitue en quelque sorte l'herméneutique mythique, habituellement péjorative : tel passage de Jérémie (li, 34) qui vise Nabuchodonosor n'est pas sans influence sur celui des Psaumes de Salomon (ii, 29), où l'on devine Pompée, cet autre envahisseur de Jérusalem ; pour le Document de Damas (viii, 10), « les dragons sont les rois des nations » ; enfin, dans l'Apocalypse de Jean, le dragon désigne Satan, l'ennemi du Messie et de ses saints (xii, 9 ; xx, 2). Ici, dans la doctrine apocalyptique, la lutte primordiale qui a permis au monde d'exister est annoncée comme devant se reproduire, à une échelle plus grande, à la fin des temps.
André PAUL