La 4e section de la Fabrique des images propose au public de découvrir le modèle iconologique de l’analogisme, modèle inverse du précédent. Avoir sur le monde un point de vue analogiste signifie percevoir tous ses occupants comme différents les uns des autres. Ainsi, au lieu de fusionner en une même classe des entités partageant les mêmes substances, ce système distingue toutes les composantes du monde et les différencie en des éléments singuliers. Un tel monde, dans lequel chaque entité forme un spécimen unique, deviendrait impossible à habiter et à penser si l’on ne s’efforçait de trouver des correspondances stables entre ses composantes humaines et non humaines, comme entre les parties dont elles sont faites. Par exemple, selon les qualités qu’on leur impute, certaines choses seront associées au chaud et d’autres au froid, au jour ou à la nuit, au sec ou à l’humide. La pensée analogiste a donc pour objectif de rendre présents des réseaux de correspondance entre les éléments discontinus, ce qui suppose de multiplier les composantes de l’image et de mettre en évidence leurs relations. Quelle que soit l’exactitude de la représentation des détails à laquelle la figuration analogique peut parvenir, elle ne vise pas tant à imiter avec vraisemblance un prototype « naturel » objectivement donné, qu’à restituer la trame des affinités au sein de laquelle ce prototype prend un sens.
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Cette section présente le monde du totémisme, composé d’un grand nombre de classes d’êtres regroupant des humains et diverses sortes de non-humains, les membres de chaque classe partageant des ensembles différents de qualités physiques et morales que le totem est réputé incarner. Dans les sociétés aborigènes d’Australie, le noyau de qualités caractérisant la classe est issu d’un prototype primordial, traditionnellement appelé « être du Rêve ». Les images totémiques révèlent donc l’identité profonde des humains et des non-humains de la classe totémique : identité interne (ils incorporent une même « essence » dont la source est localisée et dont le nom synthétise les propriétés qu’ils possèdent en commun) et identité physique (ils sont formés des mêmes substances, sont organisés selon une même structure et possèdent le même genre de tempérament et de dispositions). Pour bien comprendre ce que sont les images totémiques, il faut d’abord se pencher sur le statut général des images en Australie. Elles sont toutes et partout liées aux êtres du Rêve et aux actions dans lesquelles ces prototypes se sont engagés afin de mettre en ordre le monde et de le rendre conforme aux subdivisions qu’ils incarnent eux-mêmes. Les objectifs figuratifs du totémisme australiens sont mis en oeuvre au moyen de 2 stratégies bien différenciées : * le corps apparaît comme à l’origine de l’image qu’il a engendrée
La 1e section de l’exposition s’intéresse à l’animisme, c’est-à-dire la généralisation aux nonhumains d’une intériorité de type humain. Toute entité - un animal, une plante, un artefact - est dotée d’une intériorité, animée d’intentions propres, capable d’action et de jugement. Par contre, l’apparence physique change d’une entité à l’autre. Le modèle animiste rend visible l’intériorité des différentes sortes d’existant et montre que celle-ci se loge dans des corps aux apparences dissemblables.
La formule du naturalisme est inverse de celle de l’animisme : ce n’est pas par leur corps, mais par leur esprit, que les humains se différencient des non-humains, comme c’est aussi par leur esprit qu’ils se différencient entre eux. Quant aux corps, ils sont tous soumis aux mêmes décrets de la nature et ne permettent pas de singulariser par des genres de vie, comme c’était le cas dans l’animisme. Cette vision du monde, qui domine en Occident depuis des siècles, doit donc figurer 2 traits : * l’intériorité distinctive de chaque humain * la continuité physique des êtres et des choses dans un espace homogène